UNRUHE |
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GROUPE CRISIS
théâtre danse performance - Marseille
©Irwin barbé
S’il n’est pas trop tard – ce dont on aimerait ne pas douter –, on voudrait que ce qui fait de nous des acteurs-citoyens (y compris de nos propres aveuglements), des encore vivants-citoyens (y compris sans vrai lieu d’espérance), serve à la résistance, même partielle, même infime, à la domination du « prêt à délasser pour tous ». Parce qu’il en est, malgré tout, du théâtre comme de l’art qui l’accompagne : il n’existe jamais mieux que contre la mondanité, et tout contre le monde.
Cela n’empêchera sûrement pas les presque cadavres de continuer à proliférer dans nos rues. Cela permettra peut-être juste de les envisager comme êtres, de leur rendre à chacun un visage, un nom, une voix qui parle aussi au théâtre – et non au reality show – sans commisération, sans pathos, ainsi qu’ils désignent le monde (et nous dans le monde), exemplaires, insensés et vaincus, mourant à force de nos yeux morts, annonçant ce qui nous guette si nous renonçons à eux-mêmes, si nous renonçons à nous battre, disant : il ne se passe rien.
Didier-Georges Gabily, Cadavres si on veut (Juin 1994)